Je me souviens. Je me souviens…
Dans les classes primaires se trouvaient accrochés au mur une
sorte de cadre renfermant des tableaux, des gravures, prétextes à nous apprendre à nous exprimer, à construire des phrases…
Je me souviens. Je me souviens…
L’un de ces tableaux avaient pour thème : la chasse. Il y avait un de ces gibiers la-dessus !
– Il y a un chasseur avec son fusil !
– oui, bien !
– il y a un chien en arrêt devant un terrier !
– oui, très bien ! Maintenant, vous essayez de ne plus commencer vos phrases par
« il y a ».
– Je vois qu’il y a des canards sauvages !
Je me souviens Je me souviens…
Dans la fournais’e de mes souv’enirs
‘y a des patat’es pour les cochons ;
‘y a le boudin qu’on faisait cuire
lorsque l’on tuait le cochon.
Puis ces repères de l’histoire
qui grav’ent à jamais la mémoire :
on venait de saigner le porc
quand on apprit : » De Gaulle est mort ! »
Le messager de la nouvelle
n’avait pas fait de parallèle ;
on parla du référendum
qui l’avait tué, le grand homme,
tout en débitant les côt’elettes
de l’animal, défunte bète.
Dedans la rue de mes souv’enirs
fraîch’es et nombreus’es gisent les bouses ;
Dans la prairie de mes souv’enirs
il y a la Saôn’e qui s’allongeait,
petit’e mer goulue pour venir
lécher la maison en pisé
Lors, debout face au cataclysme,
imprégné par mon catéchisme,
j’e levai l’e bras comm’e Moïse et … hop !
l’eau passait par dessus mes bottes !
La Saône, j’en rêvais la nuit
si fort que j’en mouillais mon lit..
Dans le chaudron de mes souv’enirs
‘y a de la confiture de pêche
qui clapotait à fair’e frémir
et qu’on remuait pour la lèche.
Qu’est-il devenu ce chaudron,
la fournaise et la rue des bouses ?
Et De Gaulle et le cochon ?
Sont les racin’es d’un gosse en blues.
Dans l’assiett’e creus’e de mes souv’enirs
‘y avait des yeux dans le bouillon ;
c’étaient les yeux de l’avenir
qui semblaient dire : « mange ! Couillon !
Mange si tu veux être un homme ! »
sous le béret de mes souv’enirs
Zorro est capé d’une blouse.
J’e les ai versés aux géraniums !
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