Le champ de blé était fauché
Hurlaient les avions, la sirène
Petite, ell’e courait se cacher
à toutes jamb’es sous le grand chêne
Voilà pour le décor, le cadre :
la débâcle en quarante-quatre
Voici de ce monde à l’envers
le récit que m’en fit ma mère
Monsieur l’ Allemand, c’était la guerre
Cette fillette, c’était ma mère
Trop tard pour les présentations
Pas trop pour faire une chanson
Une moto et des soldats
Venus piller je ne sais quoi
Que vouliez-vous piller, vandales
Chez Gaude, c’était son cheval !
Maman tremblait sur ses huit ans
alors toi tout discrètement
D’un air ému et maladroit
tu lui tendis du chocolat
Monsieur l’Allemand, c’était la guerre,
Faut pardonner à ma grand-mère
Soupçonnait-elle du poison
Elle l’a enterré bien profond
Comme se déposent des armes
Maman raconte encore les larmes
qui coulèrent sur ta figure
quand tremblotant, tu caressas
son visage et sa chevelure
et qu’un prénom tu balbutias
Avec politesse la mioche
a dit : “merci Monsieur le Boche”
Monsieur l’Allemand, Meine Mutter
ressemblait-elle comme une sœur
à une gamine goulue
qui t’attendait, la revis-tu ?
Souvent je pense à ce récit
je pense à cet amour trahi.
Et même si ce n’est pas vrai,
où ton cadeau fut enterré,
il a poussé un plant de blé
Sur ce cim’etièr’e d’amour mort-né,
il en a poussé tout un champ
après la guerre, Monsieur l’Allemand.
Votre commentaire